Interview n°3 du Dr Thierry Poitte : la place de la physiothérapie en médecine préventive et ses évolutions
Mikan est venu interviewer le Dr Thierry Poitte dans sa clinique à La Flotte-en-Ré (17) pour aborder différents sujets autour de la douleur animale, de la médecine préventive et de la physiothérapie.
Découvrez la troisième et dernière interview, abordant les sujets suivants :
- Les différentes médecines préventives
- L'importance de la physiothérapie en prévention
- Choisir son matériel de physiothérapie
- Quelles sont les évolutions possibles de ces disciplines ?
Merci au Dr Thierry Poitte et à l'équipe de la clinique de La Flotte-en-Ré, pour le partage de son expertise, ainsi qu’aux dog et cat modèles à poils et leurs propriétaires qui ont permis de capturer ces images de soins.
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Pour lire l’interview, c’est dessous !
Qu’est-ce que la médecine préventive, quels sont ses différents aspects et leurs objectifs ?
La médecine préventive, donc littéralement, qui s'occupe de prévention de l'apparition de maladies, ne concerne pas que l'animal sain. Pour nous, il peut aussi considérer l'animal convalescent d'une affection chronique. C'est la classification de l'Organisation Mondiale de la Santé qui considère la médecine préventive, qui s'adresse donc à un animal qui n'a pas de maladie et qui n'est pas malade. Donc là, il s'agit de diminuer l'incidence, c'est à dire l'apparition de nouveaux cas.
C'est ce qu'on fait en faisant nos vaccinations, en donnant nos conseils de vermifuges, de traitement antiparasitaire, pour éviter d'attraper des maladies.
Il y a un deuxième aspect qui est la médecine préventive secondaire, qui s'adresse donc à des animaux qui ont une maladie mais qui ne sont pas malades. Et donc la médecine préventive secondaire a pour objectif de diminuer la prévalence, c'est à dire le nombre de cas dans une population donnée. Et là, clairement, la pharmacologie montre ses limites. Par contre, la physiothérapie et la nutrition clinique ont des potentialités extrêmement fortes.
Ensuite, moi, dans ma pratique de mes consultations CAPdouleur, ce que je fais quotidiennement, c'est de la médecine préventive tertiaire, c'est à dire celle qui s'adresse à un animal qui non seulement a une maladie, mais qui est malade, c'est à dire par exemple qui a une arthrose radiologique, mais également une arthrose clinique.
Et la médecine préventive tertiaire, là, il s'agit de diminuer à la fois la sévérité et la fréquence des rechutes, et donc ces consultations CAPdouleur, que j'exerce ici sur l'île de Ré, sont toujours suivies d'un parcours de suivi parce que les gens se rendent compte qu'en faisant ce suivi, ils vont clairement diminuer la sévérité, la fréquence des rechutes et donc améliorer la qualité de vie.
La dernière médecine préventive, c'est la médecine quaternaire où là il s'agit de respecter le sacro saint primum non nocere, c'est à dire celui d'éviter de faire de la surmédicalisation. Et c'est vrai que c'est un débat extrêmement fort en ce moment en médecine humaine, puisque vous savez qu'avec le développement de l'imagerie, on arrive maintenant à découvrir des lésions extrêmement petites. Et la frontière entre le normal et le pathologique est en train de s'approcher d'une zone grise.
Et donc la question, c'est : est ce que l'on traite forcément tout ce qu'on voit ?
Sans présumer forcément d'une évolution vers une maladie. Alors nous, en médecine vétérinaire, la médecine préventive quaternaire, c'est par exemple la prescription de substances susceptibles de retarder l'évolution. Je pense aux chondroprotecteurs ; c'est le débat actuel sur l'utilisation du cannabis où on cherche à améliorer artificiellement un bien être.
Et puis enfin, il y a peut être aussi des questions à se poser sur le développement d'un certain nombre de chirurgies, peut être parfois un peu hâtives, alors que la réalité de l’inflammation et surtout la réalité de la pathologie clinique douloureuse n'est pas encore avérée. Donc, cette médecine préventive quaternaire est un sujet délicat, potentiellement conflictuel, mais l'ensemble de la profession doit réfléchir.
Parce que vous comprenez bien sûr qu'on tombe sur un problème éthique le questionnement autour de l'acharnement thérapeutique ou de surconsommation à la fois de médicaments ou de chirurgies.
L’alliance thérapeutique propriétaire/vétérinaire va-t-elle se généraliser dans les cliniques ?
Alors, je pense que tout ce qu'on a développé ici depuis trois ans, dans la clinique vétérinaire de l’île de Ré, est tout à fait transposable à la très grande majorité des cliniques et des cabinets vétérinaires en France. Habituellement, mes animaux douloureux, je les vois entre cinq et dix fois par an, très facilement, parce qu'effectivement, les propriétaires ont bien compris l'intérêt de ce suivi qui permet une adaptation en permanence du projet thérapeutique ajusté pour limiter et optimiser plutôt la balance bénéfices/risques.
Une maladie douloureuse, elle évolue. On peut avoir des habits différents de la douleur. On peut avoir des douleurs inflammatoires, des douleurs neuropathiques. Ce n'est jamais fini et donc ce suivi permet de maintenir ces animaux dans dans une qualité de vie acceptable. Et puis, n'oubliez pas aussi que si ces animaux vieillissent, il peut y avoir de la multi morbidité.
Là encore, la médecine préventive va prendre tout son intérêt parce qu'on va pouvoir aussi s'occuper par exemple de maladies rénales chronique, d'insuffisance cardiaque gauche, qui vont forcément venir aggraver déjà la pathologie douloureuse. Cette médecine préventive ne peut se concevoir que s’il y a une relation de confiance et durable avec le propriétaire.
Je pense que ça, ça passe par donner du temps, donner des explications, associer le propriétaire et en faire un acteur de la prise en charge de la douleur. C'est comme ça qu'on réussira l'alliance thérapeutique. Et vous voyez, l'alliance thérapeutique, finalement, elle va se décliner sous deux aspects, sous un aspect de médecine proactive versus une médecine réactive qui consiste à être uniquement dans la réaction.
Vous reviendrez quand votre chien aura mal ? Non, il faut anticiper tout le temps. Et puis la deuxième définition, c'est cette fameuse médecine préventive, secondaire et tertiaire dont je viens de vous parler.
Quelles évolutions imaginez-vous dans la médecine préventive vétérinaire ?
La médecine préventive, notamment secondaire et tertiaire, va beaucoup se développer. Ça passe par un changement de mentalité des vétérinaires praticiens qui doivent donc changer de paradigme, aller vers cette médecine proactive, proposer des visites de suivi. Je vous signale à cet effet que toutes les enquêtes auprès des propriétaires montrent que les propriétaires sont demandeurs de suivi.
Il va y avoir une amélioration des connaissances aussi sur les méthodes réelles de prévention efficaces. Je pense notamment à la physiothérapie. Et puis, n'oubliez pas aussi que dans des objectifs de prise en charge des douleurs chroniques, par exemple arthrosiques, Eh bien, on reste encore beaucoup et dans la très grande majorité des cas, axés sur le soulagement de la douleur.
Il nous reste tout l'enjeu formidable de corriger les anomalies à la fois structurelles et fonctionnelles de la pathologie et donc s'attaquer aux conséquences, c'est bien et c'est utile parce qu'il y a la douleur. Mais il y a un champ de recherche absolument extraordinaire sur le fait de corriger les dégâts structurels et fonctionnels. Par exemple, d’une articulation arthrosique.
Et là, ça voudra dire aussi qu'on va rentrer dans le cadre d'une médecine préventive parce qu'on va prévenir des douleurs qui semblaient inéluctables, parce que associées à la dégradation de l'articulation.
Le traitement médicamenteux est souvent la première solution présentée, cela est-il en train de changer ?
Culturellement et pour répondre aussi à la demande de beaucoup de propriétaires, c'est effectivement ce qui a pu être proposé en première intention et de façon exclusive. Tout ça, c'est en train de changer. On ne peut plus concevoir de proposer la prise en charge des douleurs chroniques uniquement sous l'angle médicamenteux ou pharmacologique.
Il y a l'aspect pharmacologique médicamenteux qui est souvent incontournable, avec une appréciation de la balance bénéfices/risques. Et il y a toutes ces méthodes complémentaires de nutrition clinique, d'ergothérapie, de physiothérapie, d'ostéopathie, d'acupuncture, etc. Et puis, il y a la récente innovation des biothérapies. Je pense aux cellules souches et aux anticorps monoclonaux qui vont pouvoir avoir un rôle respectivement sur l'inflammation et sur stricto sensu la douleur.
Donc, il y a effectivement une synergie très intéressante et qu'il faut proposer d'emblée aux propriétaires. De toute façon, ça répond aussi à une demande actuelle.
Maintenant, depuis à peu près trois ou quatre ans, il y a de plus en plus de propriétaires qui sont tournés vers des médecines alternatives. Moi, je préfère parler de médecines complémentaires parce qu'on n'est pas dans ce débat binaire et où une médecine serait beaucoup plus favorable par rapport à une autre. Donc c'est bien de complémentarité dont on parle et pour cela ça nécessite de donner des explications et là encore, la très grande majorité de nos propriétaires nous suivent dans ce côté polyvalent et pluridisciplinaire de l'approche de la douleur.
Est-ce que l’on s’oriente de plus en plus vers une approche 100% sur-mesure de la médecine vétérinaire ?
Alors je pense qu'il est illusoire de considérer que tous nos animaux souffrent de la même façon. On sait maintenant qu'il y a comme pour l'Homme, qu'il y a des différences de sensibilité et d'expression de la douleur. Et ça dépend de votre bagage génétique, ça dépend de votre histoire douloureuse et ça dépend enfin du contexte émotionnel et cognitif dans lequel vous évoluez. Et donc, pour avoir des résultats optimaux, il faut personnaliser, il faut individualiser les traitements.
Ça, c'est assez facile à faire, à une condition, c'est de faire de l'évaluation. Mais il en va de la physiothérapie comme de la pharmacothérapie. Je pense qu'il faut fuir des protocoles tout faits uniformes, standardisés, parce qu'on oublie que l'animal douloureux a ses propres spécificités et qu'il a ses propres capacités de récupération. Et donc on sera dans une démarche beaucoup plus optimale quand on aura toujours comme souci d'évaluer nos résultats et d'adapter nos méthodes de physiothérapie en fonction de ce que l'on observe.
C'est pour ça que la présence d'un vétérinaire est toujours indispensable parce que c'est lui qui peut, au cours de son examen clinique, contrôler, vérifier les bénéfices du projet thérapeutique entrepris. Et donc, je crois qu'il ne faut pas aller dans le confort des protocoles tout faits qui nient la réalité de l'individu et en matière de toute affection chronique.
On peut avoir des protocoles, des guidelines. Il faut s'en inspirer, mais il faut vite aller sur les particularités individuelles de chaque être vivant. C'est comme ça qu'on sera le plus performant.
Quels sont les points importants pour choisir son équipement de physiothérapie ?
Alors les points importants pour choisir son matériel de physiothérapie, c'est d'abord bien évidemment, la qualité. Donc la qualité des dispositifs fournis, qui va s'appuyer sur la compétence des gens qui fabriquent ou qui distribuent ces dispositifs, des compétences qui doivent être transmises au vétérinaire. Et donc, vous voyez un peu là tous les aspects sur lesquels il faut être exigeant : qualité, suivi, formation.
Comment Mikan a su répondre à vos attentes dans le développement et l’évolution de votre pratique ?
Nous avons un partenariat historique de plus de dix ans avec Mikan. Et cette confiance qu'on avait accordée il y a une dizaine d'années a été largement confortée par l'expertise des gens qui travaillent chez Mikan ; expertise qui a été confirmée sur le terrain par les retours des praticiens.
La confiance, elle, est partagée avec Mikan, notamment sur le laser. C'est le seul distributeur qui propose les garanties dix ans sur les diodes. Ça veut dire aussi qu'ils sont sûrs de la qualité de leur matériel.
Et puis enfin, Mikan, c'est le seul également qui se soucie de l’appropriation des techniques qu’il diffuse. Notamment avec l'offre de formation continue pérenne, sans limitation de temps pour les vétérinaires et l'ensemble de leurs collaborateurs. Donc, au delà de la vente ponctuelle d'un dispositif, il y a ce souci de Mikan d'accompagner la profession vétérinaire dans la durée et non pas juste dans un acte ponctuel, commercial, de vente.
On fait souvent le parallèle Homme / animal en qualité de soins, la médecine vétérinaire prend-elle de l’avance sur la médecine humaine ?
Est-ce que la médecine vétérinaire est en train de prendre de l'avance sur la médecine humaine ? Je ne sais pas si on peut dire ça. En tout cas, on peut affirmer qu'on n'est pas en retard.
Pourquoi ? Parce qu'on n'a certainement pas des carcans administratifs aussi poussés qu'en médecine humaine. Ensuite, il y a une différence essentielle, c'est que les vétérinaires ont gardé leur âme de généraliste et cette vision extrêmement transversale des problèmes de santé.
Tous les vétérinaires font à la fois de la médecine interne, de la cancérologie, de la chirurgie, des analyses, ils font du laboratoire, de l'anesthésie... Donc ils ont une vision qui me semble beaucoup plus globale de l'être vivant et je pense que ça aide à progresser plus vite.
Et je peux vous garantir une chose, c'est que nos médecins spécialisés dans la douleur sont très preneurs de ce que nous on peut faire en médecine vétérinaire parce que pour plusieurs raisons.
- La première raison, c'est qu'on est toujours nous, vétérinaires, dans l'hétéro évaluation, c'est à dire qu'on évalue à la place (des animaux). et nos amis médecins évaluent la douleur à la place des bébés, à la place des personnes âgées qui ont des maladies neurodégénératives. Mais leur quotidien, c'est quand même les propriétaires qui relatent les caractéristiques de la douleur. Donc ça les étonne plutôt ce savoir faire qu'on a, puisqu'on est toujours dans l’hétéro évaluation avec aussi le côté multi espèces, avec des registres à la fois émotionnels et comportementaux qui peuvent être extrêmement spécifiques et variés.
- Ensuite, le développement, notamment des biothérapies, nous ont permis d'aller plus vite que la médecine humaine et on a également parfois des différences sur les retours d'efficacité et sur la balance bénéfices/risques. Je pense notamment à la problématique des anticorps monoclonaux.
- Ensuite, le dernier argument, pour en revenir à la physiothérapie, c'est que, en général, le médecin, le rhumatologue ne fait pas de la physiothérapie. Et donc tout ça est extrêmement cloisonné. Un vétérinaire dans sa clinique, il fait de la médecine, il va faire de la rhumatologie et il va faire aussi de la physiothérapie.
Et donc, l'intérêt du vétérinaire, c'est ce côté pluridisciplinaire qui lui permet de maîtriser la chaîne de soins dans sa globalité, avec, je pense, une efficacité plus visible, plus rapide à mettre en place.
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