Cas clinique Laser : Prise en charge de la douleur arthrosique chez un chat âgé
Présenté par le Dr Thierry POTTE.
Commémoratifs
Un chat Européen mâle de 16½ans, dénommé Picolo et pesant 3,9 kg est présenté en janvier 2013 à la consultation pour des douleurs récurrentes affectant le dos et l’arrière train. Des traitements antérieurs avec du méloxicam ont apporté un soulagement efficace mais entrainent depuis peu une sévère intolérance gastrite (vomissements avec hématémèse). Une augmentation significative de la consommation d’eau est rapportée. Des comportements inédits de malpropreté, d’isolement et d’agressivité perturbent un attachement fort, unissant la propriétaire et son chat.
Examen clinique
L’animal présente une fonte musculaire marquée et une posture algique de cyphose quasi permanente. Le simple effleurement de la zone thoraco-lombaire et des hanches est suivi de contractures musculaires et de réactions de défense de l’animal (allodynie). La palpation abdominale douloureuse associée à des flatulences et à des borborygmes laisse suspecter un inconfort lié à une distension colique. Les auscultations respiratoires et cardiaques ne révèlent pas d’anomalies particulières.
Examens complémentaires
Des examens sanguins montrent une absence de perturbations hématologiques, une fonction rénale préservée mais également un état de diabète avancé (glycémie 3,86g/l). Les images radiologiques révèlent une dilatation colique, des rétrécissements intervertébraux (Th6 à Th11) et une importante coxarthrose gauche.
Evaluation de la douleur
L’intensité de la douleur est sévère, objectivée par le score élevé (= 27) de la grille personnelle des champs comportementaux (GCC). L’exploration diminuée (avec peur et anxiété), la recherche de cachettes, la difficulté des sauts et des atteintes de positions en hauteur, l’impossibilité de prévenir ainsi les dangers, l’irritabilité menant à des séquences d’agressions de plus en plus fréquentes sont pointées sur la grille des champs territoriaux : ce support didactique permet de relier ces troubles comportementaux à la douleur alors qu’ils ne sont parfois rattachés qu’au simple vieillissement.
Propositions de traitement
La prise en charge de la douleur arthrosique chez le chat suit un protocole classique, associant une préconisation d’aliment diététique dédié, une amélioration des conditions environnementales, une prescription prudente et surveillée d’AINS (méloxicam), enfin le recours à des séances de physiothérapie.
Diététique et amélioration de l'environnement
Un aliment spécifique Hill's J/D est prescrit en raison de sa richesse en acide gras ω3 ω6 et en chondroprotecteurs. Des conseils ont été prodigués pour faciliter les déplacements (plans inclinés, aide à la position en hauteur et à la vue sur l’extérieur) et pour améliorer son confort de vie (toilettage, arbre à chat, phéromones...).
Prise en charge médicamenteuse
Le cas particulier de Picolo (diabète et gastrite) interdit tout recours aux anti-inflammatoires stéroïdiens ou non. La gabapentine, thymorégulateur doté de propriétés anti convulsivantes et analgésiques, peut être prescrite lorsque des douleurs neuropathiques sont suspectées : traumatismes du bassin, suite de chirurgies délabrantes (fibrosarcome), cancers, arthrose et diabète. Bien supportée chez le chat, la gabapentine est utilisée à la dose de 5mg/kg 2x/j, soit 1ml/4kg d’une solution contenant 100mg/5ml d’eau. La gabapentine a été prescrite à Picolo au 10ème mois d’évolution.
Physiothérapie
L’application d’agents physiques traditionnels (courants thérapeutiques, ultrasons, ondes de chocs…) n’est pas toujours facile sur le chat douloureux. L’irradiation par un faisceau laser grâce à des ondes électromagnétiques du proche infra-rouge (660, 800 et 970nm) participe au soulagement de la douleur arthrosique, à la réduction de l’inflammation, au relâchement musculaire et à la cicatrisation des tissus lésés. Il s’agit d’une méthode particulièrement bien acceptée chez le chat en raison d’une sensation procurée de chaleur et d’un temps d’application court.
En mode continu ou ISP (fréquences de 1Hz à 200Hz), le faisceau laser doit balayer lentement et perpendiculairement la zone périarticulaire et la musculature adjacente selon un motif en forme de grille. La main libre vérifie l’absence d’échauffement et recherche les zones sensibles et atrophiées. En mode pulsé ou ISP et pour des fréquences supérieures (500-5000Hz), la tête laser est appliquée fermement avec pression pendant plusieurs secondes sur les points de tension et les trigger points. Le protocole retenu a tenu compte de l’éloignement du domicile de la propriétaire (50km) :1 séance tous les 6 jours pendant 5 semaines puis une séance mensuelle ou bimensuelle en fonction de la qualité de vie retrouvée de Picolo.
Résultats
L’amélioration clinique est visible par le propriétaire dès la 3ème séance de laser ; le score de la GCC est diminué (= 15) grâce à la disparition de toute forme d’irritabilité et d’agressivité. Un mois après le début du traitement, Picolo a repris du poids (4,3kg), ne présente plus de postures algiques et montre un certain dynamisme exploratoire dénué d’anxiété.
A 6 semaines une nouvelle évaluation de la douleur montre un score de 7 sur la GCC, attestant de la très bonne récupération sur le plan comportemental malgré quelques difficultés fonctionnelles persistantes.
Les séances de laser mensuelles ou bimensuelles sont maintenues jusqu’à ce jour (02/11/13) en insistant sur la région de la hanche gauche dont les lésions sévères d’arthrose sont sources de boiterie intermittente. Les troubles de l’humeur (irritabilité et agressivité) ne sont jamais réapparus mais la progression de la maladie diabétique et la survenue d’une insuffisance rénale ont altéré le comportement exploratoire de Picolo.
A 17 ans et 4 mois, Picolo reçoit une injection sc quotidienne d’insuline (1UI Caninsulin) et par voie orale une dose de 3mg/kg de telmisartan (Semintra 4mg/ml) ainsi qu’une dose de 15 mg de gabapentine (Neurontin). Il a été décidé avec la propriétaire de poursuivre ce traitement ainsi que les séances laser à la condition du maintien d’une qualité de vie acceptable. Les critères retenus pour cet objectif reposent sur des concepts de confort, d’autonomie alimentaire, de mobilité, de relations interactives avec le propriétaire, d’absence de trop fortes perturbations émotionnelles (anxiété, dépression, agressivité) et enfin de contrôle satisfaisant de la douleur.
Discussion
Ce cas illustre la prise en charge multimodale de l’arthrose féline chez un patient dont la situation clinique pouvait être assimilée à une impasse thérapeutique.
En effet l’interdiction d’utiliser des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non ainsi que les séquences d’agression inédites avaient laissé envisager une décision d’euthanasie. Le recours à la physiothérapie (Laser), à une alimentation dédiée, à des modifications de l’environnement (plans inclinés, Feliway) et enfin aux co-analgésiques (gabapentine) ont permis de conjuguer prolongation et qualité de vie.
Découvrir l'appareil de thérapie laser utilisé dans ce cas clinique
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